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La semaine du droit immobilier

Civil - Immobilier
03/12/2019
Présentation des dispositifs des arrêts publiés au Bulletin civil de la Cour de cassation, en droit immobilier, la semaine du 25 novembre 2019.
Local destiné à l’habitation – location sur de courtes durées – changement de destination – éléments de preuve
« Selon l’arrêt attaqué (Paris, 11 octobre 2018), la Ville de Paris a assigné en la forme des référés Mme X, propriétaire jusqu’au 29 novembre 2016 d’un appartement situé à Paris, en paiement d'une amende civile sur le fondement de l'article L. 651-2 du Code de la construction et de l'habitation, pour avoir loué ce local de manière répétée sur de courtes durées à une clientèle de passage, en contravention avec les dispositions de l'article L. 631-7 du même Code ; Mme X demande qu’il soit sursis à statuer jusqu’à la décision de la Cour de justice de l’Union européenne sur les questions préjudicielles posées par la Cour de cassation par deux arrêts du 15 novembre 2018 (3e Civ., 15 novembre 2018, pourvoi no 17-26.156 ; 3e Civ., 15 novembre 2018, pourvoi no 17-26.158) ;
 
Mais au regard des griefs formulés par le moyen et portant sur la qualification de local destiné à l’habitation au sens de l’article L. 631-7 du Code de la construction et de l’habitation, telle que résultant de la définition qui en est donnée par les alinéas 2 à 4 de cet article, et des questions préjudicielles qui ne portent pas sur ce point, la décision de la Cour de justice de l’Union européenne à intervenir n’est pas de nature à influer sur la solution du présent pourvoi ; qu’il n’y a dès lors pas lieu de surseoir à statuer jusqu’au prononcé de celle-ci ;
 
Les locaux faisant l’objet de travaux ayant pour conséquence d’en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l’usage pour lequel les travaux sont autorisés ; qu’ayant retenu, par une appréciation souveraine de la portée des éléments de preuve soumis à son examen, que la déclaration H2 déposée le 21 octobre 1980 ne prouvait pas que l’appartement en cause était à usage d’habitation au 1er janvier 1970, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de procéder à une recherche inopérante relative à l’incidence de travaux qui avaient été réalisés postérieurement à cette date et dont il n’était pas soutenu qu’ils avaient fait l’objet d’une autorisation, a légalement justifié sa décision ».
Cass. 3e civ., 28 nov. 2019, n° 18-24.157, P+B+I
 
Local à usage d’habitation – location sur de courtes durées – changement d’usage illicite
« Selon l’arrêt attaqué (Paris, 4 octobre 2018), que la Ville de Paris a assigné en la forme des référés M. X, propriétaire jusqu’au 23 janvier 2017 d’un appartement situé à Paris, en paiement d'une amende civile sur le fondement de l'article L. 651-2 du Code de la construction et de l'habitation, pour avoir loué ce local de manière répétée sur de courtes durées à une clientèle de passage, en contravention avec les dispositions de l'article L. 631-7 du même Code ; la Ville de Paris fait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes, alors, selon le moyen, que le local doit être considéré comme étant à usage d’habitation, non seulement dans l’hypothèse où il était affecté à l’habitation le 1 janvier 1970, mais également dans l’hypothèse où, postérieurement à cette date, il a été affecté à l’usage d’habitation, sachant que dans cette hypothèse, il est considéré comme étant à usage d’habitation dès qu’il reçoit cette affectation ; qu’en décidant qu’une affection éventuelle à l’habitation postérieurement au 1er janvier 1970 était indifférente, les juges du fond ont violé l’article L. 631-7 du Code de la construction et de l’habitation ;
 
Mais sont réputés à usage d’habitation les locaux affectés à cet usage au 1er janvier 1970 ; ayant, par une appréciation de la portée des éléments de preuve soumis à son examen, retenu, souverainement, que l’affectation de ce bien à l’usage d’habitation au 1er janvier 1970, contestée par M. X, n’était pas établie par la Ville de Paris et, à bon droit, que la preuve d’un usage d’habitation à la date du 23 janvier 2017 était inopérante, la cour d’appel en a exactement déduit que la Ville de Paris ne pouvait se prévaloir d’un changement d’usage illicite au sens du texte précité ».
Cass. 3e civ., 28 nov. 2019, n° 18-23.769, P+B+I

Mesure d’expulsion – droit au respect du domicile – proportionnalité
« Si la mesure d’expulsion d’un occupant sans droit ni titre caractérise une ingérence dans le droit au respect du domicile de celui-ci, protégé par l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, cette ingérence, fondée sur l’article 544 du Code civil, selon lequel la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements, et sur l'article 545 du même Code, selon lequel nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité, vise à garantir au propriétaire du terrain le droit au respect de ses biens, protégé par l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et par l'article 1er du Protocole additionnel no 1 à la convention précitée ;
 
Selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 15 juin 2017), que la commune d'Aix-en-Provence (la commune), propriétaire de parcelles en bordure d’autoroute sur lesquelles est installé un campement de gens du voyage, a assigné en référé les occupants pour obtenir leur expulsion ; pour rejeter la demande, l’arrêt retient que, si les personnes dont l’expulsion est demandée occupent sans droit ni titre depuis 2015 deux parcelles appartenant à la commune et que le trouble manifestement illicite est avéré du fait d’une occupation irrégulière des lieux, il ressort cependant des pièces versées aux débats que l’expulsion est de nature à compromettre l’accès aux droits, notamment, en matière de prise en charge scolaire, d’emploi et d’insertion sociale, de familles ayant établi sur les terrains litigieux leur domicile, même précaire, en l’absence de toute proposition de mesures alternatives d’hébergement de la part des pouvoirs publics, de sorte que la mesure sollicitée apparaît disproportionnée au regard des droits au respect de la vie privée et familiale des personnes concernées, à la protection de leur domicile et à la préservation de l’intérêt de leurs enfants ;
 
Ainsi, alors que, l'expulsion étant la seule mesure de nature à permettre au propriétaire de recouvrer la plénitude de son droit sur le bien occupé illicitement, l'ingérence qui en résulte dans le droit au respect du domicile de l'occupant ne saurait être disproportionnée eu égard à la gravité de l'atteinte portée au droit de propriété, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».
Cass. 3e civ., 28 nov. 2019, n° 17-22.810, P+B+I

*Le lien vers la référence documentaire sera actif à partir du 2 janvier 2020
 
Source : Actualités du droit