Retour aux articles

Conditions de la résiliation de plein droit du bail commercial en cas de procédure collective

Civil - Immobilier
11/10/2019
Le bailleur, qui agit devant le juge-commissaire pour lui demander la constatation de la résiliation de plein droit du bail, sans revendiquer le bénéfice d’une clause résolutoire, n’est pas dans l’obligation de délivrer le commandement exigé par l’article L. 145-41 du Code de commerce.
En 2005, une SCI avait donné en location à une société des locaux destinés à l’exercice de son activité commerciale. La société a été mise en liquidation judiciaire le 17 novembre 2016. Par une ordonnance du 8 mars 2017, le juge-commissaire a autorisé la cession du fonds de commerce de la société. Puis, par une requête du 21 mars 2017, la SCI a demandé au juge-commissaire de constater la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers dus postérieurement à l’ouverture de la liquidation judiciaire.
L’acte de cession du fonds de commerce, comprenant le droit au bail, a été signé le 25 avril 2017, à la double condition que l’ordonnance du 8 mars 2017 ne soit pas infirmée et que soit prononcée une décision définitive rejetant la demande de constatation de la résiliation du bail. Le juge-commissaire, par une ordonnance du 16 juin 2017, a rejeté la requête tendant à la constatation de la résiliation du bail.

Un jugement a rejeté le recours contre cette ordonnance et les juges du fonds l’ont confirmé. Ils ont retenu que les dispositions de l’article L. 622-14 du Code de commerce ne dérogent pas à celles de l’article L. 145-41 du même code prévoyant, en cas de clause résolutoire, la délivrance préalable d’un commandement.

En cela, les juges se référaient à une jurisprudence bien acquise selon laquelle, en cas de défaut de paiement des loyers et charges afférents à une période postérieure au jugement d’ouverture d’une procédure collective, le bailleur devait respecter les dispositions de l’article L. 145-41 du Code de commerce (Cass. com., 28 juin 2011, n° 10-19.331, Rev. loyers 2011/920, n° 1333, note Lebel Ch.). La délivrance d’un commandement de payer est donc obligatoire avant de pouvoir saisir le juge aux fins de faire constater l’acquisition de la clause résolutoire insérée au bail.

Mais les juges ajoutent que le fait, pour le bailleur, d’opter pour la saisine du juge-commissaire, plutôt que celle du juge des référés, ne le dispense pas de la délivrance préalable du commandement visant la clause résolutoire.

Ils sont censurés sur ce point par la Cour de cassation au visa des articles L. 641-12, 3° et R. 641-21, alinéa 2, du Code de commerce. La Cour estime que la cour d’appel a ajouté à la loi une condition qu’elle ne comporte pas car « le bailleur, qui agissait devant le juge-commissaire pour lui demander la constatation de la résiliation de plein droit du bail, sans revendiquer le bénéfice d’une clause résolutoire, n’était pas dans l’obligation de délivrer le commandement exigé par l’article L. 145-41 du Code de commerce ».

La Haute juridiction a pris soin de préciser que « lorsque le juge-commissaire est saisi, sur le fondement (de l’article L. 641-12, 3°), d’une demande de constat de la résiliation de plein droit du bail d’un immeuble utilisé pour l’activité de l’entreprise, en raison d’un défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement de liquidation judiciaire du preneur, cette procédure, qui obéit à des conditions spécifiques, est distincte de celle qui tend, en application de l’article L. 145-41 du Code de commerce, à faire constater l’acquisition de la clause résolutoire stipulée au contrat de bail ».

Là réside la confusion. La chambre commerciale n’opère pas un revirement par rapport à sa décision précitée de 2011, elle ne fait qu’apporter une précision quant à l’obligation de délivrance d’un commandement de payer. Il y a en effet une différence entre une demande de constat de résiliation de plein droit d’un bail et une demande judiciaire de constat d’acquisition de la clause résolutoire stipulée au contrat de bail. Le Code de commerce fait lui-même cette distinction (v. C. com., art. L. 622-14 et L. 641-12, 3°). Dès lors, la délivrance préalable du commandement de payer n'est obligatoire qu'en cas de saisine du juge.
Par ailleurs, l’article R. 641-21, alinéa 2, dudit code est très clair : « Le juge-commissaire constate, sur la demande de tout intéressé, la résiliation de plein droit des contrats (…) ».

Pour aller plus loin, v. La résiliation du bail commercial à l’épreuve d’une procédure collective, Le Lamy Baux commerciaux, étude 490.
Source : Actualités du droit